Mesurer l’audience
Mesurer l’audience
Comment dans la plupart des pays, la mesure de l'audience est une donnée centrale pour un média dont le modèle économique est basé sur la publicité, car elle détermine son attraction pour les annonceurs et par conséquent, la viabilité du média. Au Maroc, cette règle ne semble pas s’appliquer au secteur de la presse papier, qui obéit à un autre fonctionnement.
Télévision
Les chaînes de télévision restent les plus attractives pour la publicité, attirant 39,8% de l’investissement total de la publicité, d’après les données du Groupement des Annonceurs du Maroc (GAM). Au Maroc, l’organisme chargé de mesurer l’audience de la télévision est le Centre Interprofessionnel d’Audiométrie (GAM), qui est un groupement d’intérêts économiques. Il compte parmi ses membres l’entreprise étatiques SNRT, l’entreprise semi-publique SOREAD, le groupe privé Médi1TV, l’agence publicitaire Régie3, le GAM et l’UNions des Agences de Conseil en Communications (UACC). Jusqu’à présent, cet organisme est considéré comme crédible pour les médias et le secteur de la publicité.
Radio
La collecte et la mesure d’audience de l’écoute radio revient au Centre interprofessionnel de mesure d’audience radio au Maroc (CIRAD). Créé en 2010, il travaille en collaboration avec la société commerciale d’études de marché IPSOS pour recueillir et analyser les données d’audience. Le CIRAD est basé sur le modèle du CIAUMED et est également un groupement d’intérêts économiques qui rassemble des radios publiques et privées, mais dont une faiblesse méthodologique est ressortie pendant l’étude du MOM : les échantillons d’individus sondés pour la collecte d’information ne sont jamais les mêmes, et ne répondent à aucune caractéristique spécifique. Chaque vague de mesure d’audience utilise des échantillons aléatoires, ce qui rend la comparaison impossible et tend à biaiser l’audience sur une longue période.
Presse papier
Dans ce domaine, c’est l’Organisme Marocain de Justification et de Diffusion (ODJ-Maroc), une organisation reconnue par les professionnels du milieu, qui publie et contrôle, les chiffres de circulation, de distribution et de ventes des journaux. Ces informations sont déclarées volontairement par les publications, et le procès verbal est établi sous la responsabilité de l’éditeur, qui se plie ensuite au contrôle de l’OJD. De toutes les publications étudiées pour le MOM, seuls les chiffres de La Nouvelle Tribune n’avaient pas été vérifiés par l’OJD. En 2007, deux journaux ont reçu un avertissement pour avoir trompé l’OJD (La Nouvelle Tribune et Aujourd’hui Le Maroc) en gonflant leurs chiffres. A cette période, comme l’OJD-Maroc n’avait pas encore été créé, c’est l’organisme OJD-France qui s’était chargé de mener la vérification.
Pour rester membre de l’OJD, un journal doit se plier à cette règle de communication annuelle des chiffres - en général à la fin de l’année. En contactant l’organisme, l’équipe du MOM a été informée que les journaux perdaient leurs statuts de membres s’ils ne soumettaient pas leur déclaration annuelle. En octobre 2017, quand cette étude a eu lieu, Al Massae et L’Opinion n’avaient pas encore publié leurs chiffres de 2016. L’OJD les a cependant publié fin octobre 2017, les datant de mai 2017.
Les chiffres de distribution sont parfois augmentés grâce à la distribution gratuite, ce qui permet d’augmenter les revenus d’un journal au travers de la publicité. Pour certains journaux, comme L’Opinion et La Nouvelle Tribune, le nombre total de la distribution est respectivement 2,5 et 3 fois supérieur à celui de l’achat individuel au numéro, qui est l’indicateur choisi pour l’étude. Cette différence s’explique par l’importance de la distribution gratuite, qui 33% de la distribution totale de l’Opinion et 38% pour La Nouvelle Tribune. De plus, le grand nombre d’abonnements peut-être apparenté, dans certains cas, à des abonnements de complaisance.
Presse numérique :
Comme dans la plupart des pays, il n’existe pas de système de mesure d’audience spécifique pour la presse numérique marocaine. Les publicitaires se reposent sur les chiffres de Google Analytics, qui semblent être les représentations les plus fidèles du trafic et des visites des sites internet. Si les propriétaires de sites ont le choix de rendre ces statistiques publiques, beaucoup ne le font pas - par manque d’information ou sciemment.
Pour les besoins de cette étude, les sites apparus en haut des classements d’Alexa et SimilarWeb n’ont pas automatiquement été sélectionnés. En croisant les classements de ces deux plateformes, l’équipe du MOM a compilé une liste soumise aux membres du conseil consultatif (voir FAQs). Par exemple, AndalusPress n’a pas été inclu. Pourtant, en septembre 2017, il figurait à la 2ème place du classement Alexa.
Il est connu qu’il existe des possibilités d’achat de clics et d’audience - légales comme illégales. Comme dans la plupart des pays étudiés par le MOM, le Maroc connaît des difficultés à obtenir une image fidèle du marché de la presse numérique en raison de ces chiffres et classement faussés, sur lesquels le marché repose.
Les résultats de cette étude concernant l’audience de la presse numérique ont d’ailleurs été corroborés avec le rapport de l’organisation américaine Freedom House publié en novembre 2017 sur la liberté en ligne au Maroc.